REI Industry Réemploi, l'équipe

Nous donnons aujourd’hui la parole à Frédéric Fléchon, gérant de la société REI Industry, et à Myriam Begot qui travaille à ses côtés en tant qu’acheteuse et chargée de communication. REI Industry montre que le réemploi est possible dans l’industrie, qu’il peut être créateur de valeur et d’emploi, pour des grands groupes industriels comme pour des TPE ou PME. Une équipe passionnée, un projet passionnant. Nous vous partageons leur témoignage éclairant : les enjeux des déchets industriels, le champ des possibles en termes de réemploi, ou encore la création de valeur au niveau local que cela permet. Merci à Myriam et Frédéric d’avoir partagé tout cela avec nous.

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Bonjour Frédéric, bonjour Myriam. Que proposez-vous chez REI Industrie et comment est né ce projet ?

Myriam : REI Industry a été lancée en 2014 et est spécialisée dans le réemploi de matériel industriel électrique et électronique. Nous récupérons des machines spéciales ou des lignes de production inutilisées et le démontons minutieusement (sur site le plus souvent), pour en extraire toutes les pièces électroniques pouvant être réutilisées. Nous stockons ensuite ces pièces, elles sont référencées dans notre base de données et peuvent être revendues à d’autres industriels partout dans le monde.

REI Industry rachète les stocks de matériels électroniques inutilisées par les industriels pour en extraire les pièces, les référencer et les remettre en vente pour qu’elles soient réemployées.

Frédéric : Le projet est né de mes 30 ans d’expériences dans la réparation de carte électronique pour l’industrie, dans tous secteurs : auto, plastique, bois, etc… C’est aussi le fruit d’une rencontre avec Laurent Mathieu, un ami de longue date, aujourd’hui dirigeant de COFIEM Electronics. Nous avons constaté ensemble les difficultés de réparer ou de remplacer les cartes électroniques pour certains industriels, alors même que d’autres jettent le matériel encore utilisable mais dont ils ne se servent plus, sans chercher à le valoriser. Nous avons donc monté REI Industry en réponse à ces constats.

En vulgarisant, on peut dire qu’on est une “casse” pour cartes électroniques dédiées à l’industrie. Mais contrairement à une casse, on récupère proprement le matériel électronique, et tout le reste de la machine, qui nous importe aussi, de manière à ce qu’il puisse être réutilisé par des industriels partout dans le monde. C’est donc un projet décidé tard le soir, sur notre temps personnel, avec presque l’ambition de refaire le monde… On s’est dit, essayons, si ça marche, tant mieux ! Et aujourd’hui ça fonctionne. Nos ventes sont directement proportionnelles à notre achalandage. Avoir 10 000 pièces d’une seule référence a peu d’intérêts pour les industriels. Mais si nous avons 10 000 références, une pièce de chaque, on peut dépanner de nombreux industriels.

Vous faites donc du réemploi de matériel électronique… Quelle différence avec le recyclage ? Y a-t-il un travail de pédagogie à faire sur ces notions ?

Réemploi = “ensemble d’opérations par lesquelles des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus” (source : defisreemploi.fr/)

Frédéric : Le terme “recyclage” est trop souvent utilisé pour parler de plusieurs choses différentes. On essaye toujours d’expliquer trois notions à nos clients, avec par exemple le cas concret d’un particulier qui souhaite changer sa porte d’entrée :

  • le réemploi c’est démonter la porte, la donner au voisin qui la réutilisera en porte d’entrée. C’est ce qui est le moins impactant, économiquement et pour l’environnement puisque seul un démontage est effectué.
  • la réutilisation c’est démonter la porte mais ne trouver personne qui en a besoin. Mais comme elle est très jolie cette porte, on achète des tréteaux et on en fait une table. Cela demande un peu d’énergie, un peu d’investissement, mais votre porte n’est pas détruite, elle est réutilisée.
  • et enfin le recyclage, qui consiste simplement à démonter la porte et l’amener en déchèterie, où elle est broyée et enfouie.

Bien sûr, dans certains cas, on est obligés de passer par le recyclage, on n’a pas d’autres choix.REI Industry, cela signifie “Réemploi d’Équipement Industriel”. On travaille avec des gens qui font du recyclage, bien sûr. Mais avant il y a des choses possibles et le réemploi reste la solution la plus écologique possible. 

Myriam : Dans nos vies privées tout est bien fait. On trie nos déchets, on vend d’occasion, beaucoup de choses existent. Dans l’industrie, ce n’est pas du tout le cas, les gens ne savent même pas qu’on peut faire autrement ! Ce n’est pas encore rentré dans les mœurs, et c’est difficile à expliquer aux entreprises. Certaines y sont sensibles, pour d’autres c’est plus compliqué. Notre activité est nouvelle, il faut expliquer ce que l’on fait, les bonnes pratiques possibles. C’est important qu’il y ait une prise de conscience du gâchis des déchets industriels. On est au bout d’un système économique, on peut travailler différemment et il le faut.

Pour cela, nous nous adaptons aussi aux industriels. On a remarqué que les professionnels sont sensibles au clé en main. Ils cherchent un seul interlocuteur pour gérer la problématique des déchets dans un atelier de production. On y travaille donc avec des partenaires : manutention, transport, transfert d’usine, stockage de matériel, etc… On veut apporter une solution globale car on sent une demande en ce sens.

Frédéric : Je rajouterai que c’est vraiment une question de sensibilité au sujet. Des grosses entreprises nous font confiance, nous travaillons par exemple avec Thalès. Leur philosophie c’est de dire : “Vous nous offrez une autre solution que de jeter, puisqu’on a la garantie que nos produits pourront être réutilisés, au moins partiellement.” Pour eux, c’est presque de la mutualisation de déchets, se sont parfois leurs sous-traitants qui réemploient leur matériel ! D’autres industriels veulent aller vite : une ligne de production est finie, il faut vite s’en débarrasser, les mettre à la benne.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’un projet de réemploi mené ? Qu’est-ce que les industriels utilisateurs y gagnent ?

Frédéric : Un exemple parlant, c’est un chantier récent sur lequel on a récupéré 80 tonnes de matériel. Sur ces 80 tonnes, une dizaine repartiront en réemploi directement via REI Industry, et ne seront ni enfouies ni broyées. Pour les 70 tonnes restantes, une partie partira aussi sur du réemploi mais via Demain Environnement, notre partenaire dans le Jura. Une autre partie finira sur des broyeurs multimatériaux. Mais il faut savoir qu’une machine spéciale est composée d’aluminium, de plastique, d’acier, de polyéthylène, de cartes électroniques… Quand elle part au broyage, cela nécessite énormément d’énergie, de moyens pour scinder tout ça… Le coût du broyage est souvent supérieur au coût de la machine ! Notre travail permet de séparer le matériel et de le réemployer ou de le réutiliser.

Financièrement, je peux citer l’exemple d’un client qui auparavant confiait ses machines à des sociétés de recyclage, qui lui demandaient de l’argent pour évacuer ces machines. Les coûts logistiques étaient supérieurs au coût matériaux ! Chez REI Industry, non seulement on ne fait pas payer l’évacuation, mais en plus de ça, on rachète le stock ! Sur ce cas concret, on a acheté le lot 12 000 € HT, contre 20 000 à 25 000 € demandés avant pour évacuer le stock ! 

Les industriels ne paient plus pour se débarrasser de leurs déchets, REI les achète pour les réemployer.

Myriam : Malgré ce gain direct pour l’industriel qui fait appel à nous, ce n’est parfois pas un levier de décision pour les industriels… Pourtant, quand vous avez des déchets industriels, vous appelez le casseur, vous payez, vos locaux sont parfois abîmés. Mais il faut que cela aille vite… C’est parfois assez frustrant, certains nous connaissent et ne font pas appel à nous, alors qu’on ne vend rien, au contraire. Le levier doit vraiment être culturel, ce doit être un engagement de la part des industriels. Pour la petite histoire, les techniciens sont parfois plus attachés au matériel que les dirigeants ! Ils ont passé leur vie sur ces machines, les employés sont ravis de voir qu’elles seront réutilisées et non pas détruites ! On nous remercie souvent pour ça.

Frédéric : En effet, au-delà du coût financier, il y a l’histoire du matériel. Nous, on emmène le client chez Demain Environnement par exemple, voir ce que l’on fait de ce matériel. Une fois la première vente réalisée, on avertit le client, on lui dit ce que cela devient. Les clients sont friands de ces histoires, cela crée des aventures humaines. Et c’est vraiment une question de culture, puisqu’ils rien n’est imposé politiquement ou au niveau réglementaire…

Justement, que dit la loi au sujet du réemploi ? Les écotaxes ne favorisent-elles pas ce mode de gestion des déchets ?

Frédéric : Aujourd’hui, les lois encouragent l’enfouissement. Les écotaxes sont redistribuées à ceux qui enfouissent. Le tri est fait mais, on se retrouve avec un paradoxe écologique. On isole les maisons, on isole les bâtiments, et on ne peut que s’en féliciter ! Mais on chauffe aujourd’hui ces bâtiments avec les déchets de l’industrie… Donc on a un surcroît de déchets qui est valorisable en partie énergétique, mais on chauffe moins ! Sur l’agglomération de Chambéry par exemple, ils ont un surplus de matériel à brûler pour chauffer les habitations…. On stocke des déchets dont on a moins besoin, on a trop de déchets.

Et localement, le réemploi a-t-il un impact positif au-delà de l’aspect environnemental ? En termes de création d’emplois par exemple ?

Frédéric : Complètement. Aujourd’hui, REI Industry c’est une équipe de quatres personnes. Mais on fait travailler bien plus de personnes. On travaille par exemple avec Demain Environnement, que l’on a cité plus haut. C’est une SCOP qui emploie plus de 200 personnes. C’est un modèle d’économie circulaire en tout point : social, économique… Ils emploient des personnes en réinsertion, qui sont postées autour d’un tapis pour trier les déchets qui sortent du broyeur. Or, quand on rachète des machines chez REI Industry, elles doivent être démantelées à la main, pour pouvoir récupérer le matériel technique. Un démantèlement de machine spéciale effectué correctement, ça nécessite une personne pendant 2 à 3 jours. Donc désormais, quand on achète un lot de machines spéciales, elles vont chez Demain Environnement et du personnel qui était avant autour de tapis pour trier les déchets est mobilisé. Ce sont des personnes que l’on forme à démonter ces machines spéciales, en sécurité et avec une exigence qualité.. Le cadre est moins dangereux, plus agréable, plus valorisant surtout.

Aujourd’hui, ces gens formés vont sur site, chez nos clients, pour des démantèlements exemplaires, sans pelles mécaniques ou gros matériel, à la main. L’atelier est rendu propre, trié, on fournit un outil de production opérationnel immédiatement. Le fait de ne pas utiliser d’outils lourds de destruction est bien moins impactant pour les locaux. Ces personnes formées sont parfois même débauchés par nos clients en tant que technicien de maintenance, un secteur où on a des carences dans l’industrie. Nous on crée un vivier de personnes formées ! Aujourd’hui, nous n’avons pas, chez REI, la surface et la structure pour embaucher. Tout rapatrier sur un site ce n’est pas viable économiquement et écologiquement non plus. Sur place, les ressources humaines existent si on les forme. De plus, dans les années à venir, les postes autour des tapis de tri des déchets, ces tâches ingrates, cela n’existera plus, des robots prendront leur place. Le fait de proposer cette demande de main d’œuvre, cela permet d’envisager un avenir à ces personnes. C’est le but de Demain Environnement : réinsertion intelligente, avec des perspectives d’évolution !

Myriam : On a eu la chance de faire de Demain Environnement des partenaires, ils sont à la recherche d’innovation sans cesse. Nos idées se rejoignent, c’est une vraie aventure humaine, ce sont devenus des amis. On n’a pas forcément trouvé cet engagement chez des partenaires industriels plus importants.

Le réemploi des déchets industriels est aussi l’occasion de revaloriser des emplois et de favoriser la réinsertion professionnelle.

Vous avez également créé les Défis Réemploi. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette association ?

Frédéric : On avait une difficulté à se faire entendre auprès d’industriels locaux, on manquait parfois de crédit. Il y a deux ans, j’ai donc créé une association, Défis Réemploi, suite à des échanges auprès de multiples partenaires. Il a fallu trouver des spécialistes de plusieurs domaines : EDF, Demain Environnement, un fabricant de machines spéciales, un spécialiste du plastique, du bâtiment, de l’industrie, etc… Des partenaires sensibles à la question du réemploi et prêts à faire bouger les choses. Waste MarketPlace, pour ne citer qu’eux, est une société créée par un ancien cadre de Vinci. Il a monté sa startup qui récupère les déchets des chantiers de démantèlement pour les réemployer. Par exemple, ils ont pu récupérer 3000 m² de moquettes et les réutiliser pour un studio d’enregistrement (au lieu de les enfouir !).

Les Défis Réemploi : sensibiliser les industriels aux alternatives de gestion de leurs déchets.

L’idée est de réunir tous ces partenaires et de faire émerger des solutions en faveur du réemploi. L’objectif final étant également de sensibiliser les industriels aux solutions existantes avant le broyage des déchets. C’est un projet qui ne coûte rien aux adhérents. On va seulement voir les entreprises pour dire : « Arrêtez de jeter ! Cette pièce que vous voulez jeter, votre voisin en a peut-être besoin !”.

Grâce à ces Défis Réemploi, on a un peu plus de crédibilité devant des grands groupes industriels, plus de visibilité aussi. Et depuis peu, Les Défis Réemploi ont une implication politique et ont pris une ampleur régionale, puisque le Medef fait désormais partie des partenaires. Cela montre que la conscience politique change. Le prochain Défi Réemploi aura lieu au printemps, selon l’évolution de la situation sanitaire puisque nous sommes nombreux ! 

Vous êtes aujourd’hui implanté en région Rhône-Alpes. Avez-vous des projets à l’échelle nationale ou internationale ?

Myriam : Nos pièces référencées issues du réemploi peuvent être distribuées partout dans le monde. Pour ce qui est des chantiers de récupération de matériel, il y a déjà énormément de choses à faire au niveau local !

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Merci à Myriam et Frédéric pour cet échange riche d’enseignements. Vous pouvez retrouver les actualités de REI Industry sur leur site internet, ainsi que sur DéfisRéemploi.fr