Perspectives Industrie s’intéresse de près aux entreprises qui prouvent que l’on peut produire durablement en innovant dès la production. Aujourd’hui, nous vous proposons d’en savoir plus sur le fonctionnement de SEB, leader mondial de l’électroménager (10% du marché mondial). Pariant depuis de nombreuses années sur la durabilité, le haut de gamme et le Made In France, SEB a imposé son fonctionnement à contre-courant, avec des résultats toujours au rendez-vous.

SEB - durabilité et production française

SEB, historiquement Made In France

Les centrales vapeurs et fers à repasser à Pont-Evêque, en Isère ; les friteuses sans huiles à Is-Sur-Tille, près de Dijon ; un site de production entier, à Selongey, obtenant la certification “Origine France Garantie” pour l’ensemble de ses produits ; etc… SEB s’affiche bel et bien comme une marque Made In France. En effet, la marque d’électroménager a compris les enjeux d’une production française.

Innover efficacement au plus près de la production

Une des innovations phares de SEB, c’est l’Actifry, une friteuse qui fonctionne sans… huile (ou presque) ! Et c’est en France que le produit a vu le jour. Pour venir à bout de ce projet fou, SEB a mis 5 ans à concevoir ce produit. Thierry de La Tour d’Artaise, président-directeur général du groupe, estime que le projet n’aurait pas pu voir le jour ailleurs que sur notre territoire. “Pour bien innover, il faut impérativement garder la production en France”, déclare-t-il. Il applique là un principe salvateur pour nos industries. En effet, maintenir un lien entre la production, l’industrialisation et la conception d’un produit est essentiel au bon fonctionnement d’une entreprise industrielle. En séparant une usine du bureau d’étude, on obtient des produits dont la conception n’est pas optimale. Le PDG de SEB applique ce principe : “Chez Seb, les labos sont installés au coeur des usines et tous les services, y compris la production, sont étroitement associés.” En 2012, le groupe consacrait déjà 130 millions d’euros par an à l’innovation.

Investir dans la montée en gamme

Un autre pari de SEB : augmenter la valeur de leurs produits pour assurer la pérennité de l’entreprise. Pari réussi ! Pour exemple, l’usine de Pont-Evêque exporte 80% de sa production à l’étranger, à savoir plusieurs millions de fers à repasser et épilateurs. Implantée dans la région de Vienne, l’entreprise y fait figure d’exception. Le maire de la ville déclare ainsi : “C’est une des rares entreprises à avoir investi et à s’être internationalisée, alors que les grandes familles industrielles de la région n’ont pas su prendre le virage”. Pour cela, pas question de rivaliser avec des produits bas de gamme sortis d’usine pour quelques euros à l’autre bout du monde (3 ou 4 euros pour une bouilloire ou un fer sans vapeur). La clé est bien la montée en gamme. “Plus on fabrique d’articles qui se vendent à 120, 150 ou 200 euros plutôt que 50, plus on conforte l’avenir de nos sites”, résume Stéphane Laflèche, alors directeur industriel du groupe.

La nécessaire excellence opérationnelle

Produire en France, c’est aussi permettre une constante excellence opérationnelle. Les équipes de production de l’usine de Pont-Evêque se réunissent ainsi trois fois par jour pour se confronter aux problématiques rencontrées le jour même sur la chaîne de production. Cette méthode permet une amélioration industrielle continue et en direct, et une productivité maintenue, voire améliorée. Par exemple, les équipes ont été confrontées à des taux de rebut trop élevés : 94% de centrales vapeurs sans défaut en sortie de chaîne de production, contre un objectif de 97%. La problématique est soulevée en équipe, une solution opérationnelle doit être trouvée et un pilote est désigné pour la mettre en place. Une discipline difficile à mettre en place si les usines sont à l’étranger.

Une possible “différenciation tardive”

Si les usines françaises de SEB produisent en grande quantité, le groupe se retrouve face à des clients exigeants. Les grandes enseignes, telles que Carrefour ou Amazon, principaux distributeurs du petit électroménager, veulent désormais se différencier et proposer des références autres que celles de leurs concurrents. Aucun problème pour SEB : les usines françaises font preuve d’une grande réactivité dans la personnalisation finale. Si les composants principaux sont produits en masse, les chaînes de production ont été adaptées pour permettre des finitions précises et différentes selon les demandes des clients. Un autre avantage du Made In France, nommé par les experts de SEB la “différenciation tardive”.

Les paris de la marque : économie circulaire et durabilité

Non content de produire en France pour ses marchés français et européens, SEB  va plus loin. Le géant industriel a compris qu’il fallait prendre une longueur d’avance pour séduire ses consommateurs et pour augmenter ses bénéfices.

Réparer plutôt que racheter : le credo SEB depuis 2012

« Nous voulons nous positionner comme champion de la lutte contre l’obsolescence programmée. » C‘est ainsi que communique le groupe en 2016. La démarche ne peut être plus claire. Déjà en 2012, SEB faisait grand bruit en proposant son label “10 ans réparable, deux ans avant la loi Hamon contre l’obsolescence programmée. Aujourd’hui, ce sont plus de 95% des produits du groupe qui sont couverts par ce label. Pour atteindre ce chiffre, le groupe se dote en 1995 d’un centre mondial de pièces de rechange. Installé dans d’anciennes usines de la marque, en Haute-Saône, le SEB International Service (SIS) accueille 5 000 nouvelles références chaque année. Sur place, on crée les manuels de réparations et les tutoriels liés, on forme des réparateurs dans le monde entier (via Skype) et on imprime même en 3D certaines références du catalogue de pièces détachées… SIS pilote tout le processus de réparation du groupe à l’aide d’un système de gestion global pour les réparateurs (pour les appareils sous garantie). SEB veut proposer des appareils toujours plus fiables, tout en s’engageant parallèlement à ce qu’ils soient facilement réparables.

Depuis cet été 2020, le groupe propose même des forfaits de réparation pour le petit électroménager (grille-pains, cafetières, fers à repasser, blenders, etc…). Les tarifs sont présentés comme nettement inférieurs au prix de remplacement, et sont fixes quelle que soit la panne. Les appareils défectueux sont à déposer auprès d’un des 220 réparateurs agréés. Une offre avec une option de transport des appareils sera proposée dès le mois prochain. La réparation ouvre droit à une garantie prolongée de 6 mois.

Aller plus loin : l’économie de la fonctionnalité  

Au delà des produits et de leur processus de production, SEB veut donc proposer des services fidèles à ses engagements, et innove en la matière. En 2015, la marque se positionne comme pionnière en étant la première marque d’électroménager à lancer un service de location de ses appareils, Eurêcook. D’abord testé sur Dijon, le service est aujourd’hui proposé en région parisienne. Le temps d’une soirée, vous pouvez louer votre appareil à crêpes ou à fondue, plutôt que d’acheter (et donc de produire, avec la consommation d’énergie et de matières premières liée…) un appareil qui dormira dans votre placard 363 jours par an ! SEB veut inciter ses consommateurs à se tourner vers la durabilité et à changer leur façon de consommer. “Il est indispensable qu’un groupe leader comme le nôtre montre la voie des nouveaux modes de consommation« , déclare ainsi Alain Pautrot, directeur de la satisfaction consommateur au sein du groupe.  

Séduire le consommateur… et assurer la pérennité de l’entreprise

La stratégie marketing est payante. Mis en avant comme une montée en gamme (à juste titre), augmenter la durabilité des produits est un argument de choix pour les consommateurs. Thierry Libaert, dans sa Note sur l’obsolescence programmée, insiste: “Le spectacle des produits qui tombent en panne rapidement et que l’on doit jeter contribue à la distanciation, voire la défiance, croissante que l’on observe entre le consommateur et les entreprises« . Une étude du Comité économique et social européen datant de 2016 montre que les comportements vont bien dans ce sens. Selon ces chiffres, un produit affichant une durée de vie supérieure à celle des produits du marché voit ses ventes augmenter de près de 14%.

Le consommateur est au coeur du processus de durabilité chez SEB, il devient “consomm’acteur”, d’après les mots de Joël Tronchon, directeur développement durable du groupe. Pour le directeur de la satisfaction consommateurs, Alain Pautrot : « [L’]objectif n’est pas que nos clients changent de fer à repasser pour un fer à repasser neuf, mais qu’ils soient suffisamment satisfaits de leur fer à repasser pour avoir envie d’acheter un aspirateur chez nous quand ils en auront besoin ».

La marque s’inscrit bien dans une démarche qui dépasse le marketing. En effet, s’engager pour la durabilité de ses produits est un investissement payant à long terme pour le groupe. Les propos d’Alain Pautrot à ce sujet sont clairs : “[Inciter à réparer], cela nous coûte en général beaucoup moins cher mais surtout, cela nous donne la possibilité de comprendre les défauts de nos produits et de les corriger ». Une démarche d’amélioration constante et un véritable engagement écologique… et même plus. Dans un contexte de raréfaction de certaines matières premières, produire local et durable sera bientôt un enjeu pour la survie des industries françaises. Pascal Durand, député européen ALE / Les Verts, présente la question comme un enjeu politique européen. “Travailler sur la durabilité des produits n’est pas seulement une question écologique. C’est une question sociale, économique, et une question de survie de l’Union européenne car cela concerne à la fois la compétitivité de nos industries face à des modèles low cost à l’étranger, mais aussi un tissu d’emplois non délocalisables dans le domaine de la réparation« . Si les politiques sur le sujet évoluent doucement (depuis le 1er janvier dernier, les produits électroniques et électroménagers doivent être dotés d’un indice de réparabilité calculé sur dix critères), certains industriels ont pris les devants des gouvernements pour faire changer les choses, et SEB en fait partie.

Se diversifier pour durer

Si d’autres groupes industriels se montrent encore frileux à passer le cap de la durabilité, c’est peut-être par peur de voir leurs ventes baisser… Il existe pourtant des solutions pour assurer le développement d’une société, y compris en s’engageant dans un système d’économie circulaire. Là encore, SEB montre l’exemple. Comme expliqué précédemment, un client satisfait d’un fer à repasser qui dure est un client qui achètera d’autres produits de la marque. C’est avec cette idée en tête qu’en pleine pandémie mondiale, le groupe a annoncé son entrée au capital d’Angell. Nouveau projet du fondateur de Meetic, cette start-up présente un projet de vélo électrique connecté très attendu. Ce deux-roues sera vendu environ 2 700 euros, une valeur dont les deux-tiers seront produits en France. SEB participe financièrement mais s’engage totalement dans le projet : le vélo sera assemblé dans une des onzes usines françaises du groupe, avec la création d’au moins une cinquantaine d’emplois

L’économie circulaire, la production française et durable, ces engagements ne sont plus réservés uniquement aux petites start-up. SEB prouve que les grand groupes industriels français peuvent être créateurs de valeur sur notre territoire et en respectant des engagements écologiques, économiques et sociaux. 

n

Sources et approfondissements
Chez Seb, le  » made in France  » est un sport de combat – Le Point
“Made In France” : la preuve par SEB – Le Monde
SEB promet de réparer pendant 10 ans ses produits – Les Échos 
Lutte contre l’obsolescence programmée : le positionnement de SEB, une stratégie gagnante – Novethic
Dans les coulisses de SEB, champion de la réparation – Les Échos
Le Groupe Seb met en place un service de réparation pour ses appareils – Les Numériques
Comment agir vraiment contre l’obsolescence programmée ? – La Fabrique Écologie, Thierry Libaert
Les effets de l’affichage de la durée d’utilisation des produits – Comité économique et social européen
Vendre un service au lieu de vendre des produits, un nouveau modèle de production durable qui fait son chemin
Le groupe SEB lance un service réparation – Enviscope
SEB cultive la durabilité programmée – Le Monde
Comment SEB, roi des friteuses, va aider Angell à produire son vélo électrique français – 01 Net
Marc Simoncini noue un partenariat avec le groupe Seb pour fabriquer son vélo électrique Angell – Maddyness