Le marché automobile français a souffert de la crise sanitaire : les ventes de voitures ont chuté de 72 % en mars, et de 34 % sur le premier trimestre de l’année (Le Monde). Les constructeurs français ont dû faire face aux fermetures des sites de production. Mais certains gardent un réel optimisme. C’est le cas de Toyota, qui attendait juin avec impatience pour la mise sur le marché de sa nouvelle Yaris. Ce n’est que partie remise, puisque la plus française des voitures japonaises sera finalement sur le marché en novembre prochain. D’ici là, Toyota nous prouve que l’on peut faire de l’automobile Made In France, hybride, et abordable. Nous décryptons leur stratégie.
Du Made In France pour le marché européen
La Yaris est produite en France depuis 2001. Toyota s’implante alors dans le Nord de l’Hexagone, à Onnaing, près de Valenciennes. En 2016, le site de production dépasse les 3 millions d’unités produites cumulées. Un record, et pour cause : en 2012, 2013, 2014 et 2016, la Yaris est la voiture la plus produite en France (cabinet Inovev).
Depuis 2012, le modèle est d’ailleurs certifié “Origine France Garantie”, ce qui permet d’assurer que plus de 50% de sa valeur est acquise en France, et ce pour deux des gammes proposées (essence, et hybride), ainsi que pour l’utilitaire ProAce. Le constructeur assure que seul le quart seulement de ses fournisseurs provient de pays à bas coûts.
Destinée au marché européen, la production des Yaris est vendue à près de 20% en France. Le modèle séduit depuis des années les consommateurs français qui lui sont fidèles. C’est le premier marché pour la Toyota Yaris, en concurrence avec des modèles de constructeurs français tels que la Clio de Renault ou la 208 de chez Peugeot.
Un ancrage culturel et économique
Toyota a fait un pari économique en implantant la production dans le Nord de la France et elle tient les engagements pris alors. Pour produire la Yaris, 300 millions d’euros ont été investis pour le site de production, et plus de 500 recrutements étaient nécessaires. Fin 2019, le site employait plus de 4 200 personnes. Le constructeur est un acteur économique majeur de la région et insuffle une vraie cohésion au sein de ses équipes. Le Président de Toyota Motor Manufacturing France, Luciano Biondo, lui-même originaire de Valenciennes le dit : “Nos salariés sont impliqués à faire de la Yaris Made in France un véhicule de qualité supérieure”. Une stratégie qui n’est pas près de changer : au micro de RTL en janvier dernier, Didier Leroy, vice-président de Toyota, déclarait : « On a une stratégie. On a une logique. On n’a pas la prétention de dire qu’elle est meilleure que celle des autres… Mais en tout cas on s’y tient. ». Pas d’économies réalisées sur la main d’oeuvre donc. Bien que les salariés de Onnaing touchent en moyenne 4 000 € de prime d’intéressement et de participation, en plus de leur treizième mois, Didier Leroy rappelle que la main d’oeuvre ne génère qu’entre 8 et 15% du coût d’un véhicule. Il affirme que “Localiser dans un pays à bas coûts entraîne des surcoûts logistiques, de non-qualité…« .
Un modèle industriel à contre-courant de celui des concurrents
Toyota a enfin fait le choix d’une organisation industrielle bien tranchée : un modèle est produit par une seule usine. Les véhicules sont donc conçus pour des marchés bien spécifiques et les productions implantées au plus proche de ces marchés. Ainsi, les usines du constructeur ne rentrent pas en concurrence entre elles. Pour Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux, spécialiste de l’industrie automobile : “Les [constructeurs] Français ont fait le choix de mettre en concurrence plusieurs sites pour un même véhicule. Evidemment, les usines françaises perdent à tous les coups.”. Ainsi, PSA et Renault ont dû délocaliser certaines de leurs productions. Les deux constructeurs tricolores ont expatrié près de 13% de la production française de 2019, en délocalisant tous les deux la production de leurs derniers modèles de citadines (estimées à près de 290 000 véhicules).
Par ailleurs, dès sa conception, le site d’Onnaing est imaginé comme un site lean : des coûts fixes et une superficie bien inférieure par rapport à une usine comparable. Une usine compacte, quasiment autonome en eau et dont les coûts énergétiques ont été réduits de moitié en quinze ans… Le constructeur a également choisi de développer ses propres robots en interne pour ce site de production, permettant des machines plus fiables et moins coûteuses sur le long terme. Enfin, le marché de consommation à proximité directe et un modèle plus simple dès sa conception achèvent la chute des coûts logistiques.
Pour asseoir la pérennité de l’usine de Valenciennes, Toyota prévoit d’y implanter la production d’un second modèle dès l’année prochaine, un SUV urbain compact, ce qui éviterait “la trop grande dépendance vis-à-vis du cycle de vie d’une voiture”.
Pas de sacrifices sur l’environnement
La version hybride de la Yaris représente plus de la moitié des ventes en France en 2016, et le constructeur veut parier sur 80% d’hybrides pour cette nouvelle génération. Les consommateurs sont attentifs aux efforts environnementaux du constructeur : une faible consommation et des émissions de CO2 réduites. Les constructeurs français prennent exemple sur cette stratégie pour continuer à localiser leur production sur notre territoire. La Zoé de Renault est par exemple d’assemblage 100% français.
Made In France & efficience énergétique : à quel coût ?
“On peut produire des petites voitures en France de façon rentable » : ce sont les mots de Didier Leroy pour Challenges. Celui-ci ajoute : « Nous avons une performance industrielle en France tout à fait comparable » à celles des autres sites Toyota dans le monde. Si les délocalisations des concurrents font penser qu’il n’est pas possible de maintenir des productions de véhicules urbains accessibles en France, la Yaris prouve le contraire. Le modèle essence est proposé à un prix de départ de 14 750 €. Soit le même tarif (voire moins cher !) que pour des modèles similaires, produits hors de notre territoire : 14 100 € pour la Renault Clio Made In Turquie et Slovénie, 14 800 € pour la Citroën C3 Made In Slovaquie, et 15 500 € pour la Peugeot 208 Made In Slovaquie elle aussi.
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Toyota prouve, avec sa Yaris 4ème génération, que produire des citadines en France est possible avec des coûts de production maitrisés. Les éléments de cette réussite sont, entre autres, une production au cœur du marché et une conception de modèle et du site de production intelligemment pensées. L’engagement environnemental de la marque et sa fidélisation des consommateurs ont assis sa position de leader français sur ce segment automobile.
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