Plus d’un mois de confinement en France, et une crise sanitaire mondiale qui dure depuis plusieurs mois. Si nous en pâtissons tous, notre économie et notre industrie sont elles aussi touchées par ce nouveau coronavirus. Comment les industriels français peuvent-ils être impactés par une épidémie ? Y a-t-il des moyens à mettre en oeuvre pour sortir de cette crise ? N’est-ce pas l’occasion de repenser nos schémas et d’agir pour l’après ?

l'industrie mondiale face au coronavirus

Une crise sanitaire nécessitant du matériel

Le combat dans lequel nous sommes lancés contre ce nouveau coronavirus, le SARS-CoV-2, nécessite, en plus d’importants besoins en ressources humaines (dans le domaine médical notamment), de s’équiper matériellement. Pourtant les stocks des principaux éléments nécessaires sont quasiment épuisés et les approvisionnements très compliqués.

A commencer par les masques de protection. Avec une consommation française hebdomadaire de 40 millions de masques, en milieu hospitalier, et sans avoir atteint le pic de l’épidémie de COVID-19, les stocks sont évidemment en flux tendus. Les masques étaient en rupture de stock dans la quasi totalité des pharmacies avant même l’annonce du confinement. Pourtant, ce n’est que fin mars que le gouvernement français décide de réaliser une commande d’un milliard de masques de protection à la Chine.

La problématique est la même pour les tests de dépistage. L’OMS recommande dès à présent un dépistage massif en population générale. Encore faut-il bénéficier d’assez de tests. En France, ce n’est pas le cas, comme l’expliquait un médecin urgentiste de la Pitié-Salpétrière à Paris au journal Le Parisien. « Il y a tellement de cas suspects qu’on ne peut pas dépister tout le monde », déclarait-il alors. Pourtant des pays organisent ce dépistage à grande échelle. L’Allemagne, la Belgique, Israël, ou encore la Corée du Sud qui réalise 10 000 tests quotidiens, là où la France en utilise 2 500

Le matériel médical vient lui aussi à manquer. Pénurie de respirateurs, de masques à oxygène, de protection à usage unique, etc… On pourrait même manquer de médicaments. L’Académie nationale de pharmacie avait en effet établi dès 2010 que 80 % des principes actifs mondiaux étaient fabriqués en Chine et en Inde

L’industrie française au service de la santé

Une mobilisation industrielle nationale est désormais déclenchée pour contrer ces multiples pénuries. Les usines françaises produisant des masques tournent à plein régime. Comme la PME Kolmi-Hopen, où Emmanuel Macron réalisait son allocution du 31 mars dernier. Effectifs augmentés, activité ininterrompue 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. La production de certaines entreprises a été triplée. L’objectif étant une production hebdomadaire de 15 millions d’unités d’ici fin avril. En attendant une utopiste autosuffisance nationale, la compagnie nationale Air France est mobilisée pour rapatrier les commandes massives de masques depuis la Chine.

Si on prends le cas des respirateurs, une centaine d’entreprises se sont mobilisés pour en fournir les composants et assembler les appareils médicaux. PSA, Valeo, ou encore Schneider Electric, s’associent à Air Liquid dans cette mobilisation groupée.

Il apparaît clairement que notre système de santé dépend de notre industrie. On peut citer à ce sujet le contre-exemple des pays non industrialisés. Les pays du continent africain notamment, craignent les effets dévastateurs du coronavirus, en l’absence d’un système de santé capable d’affronter la pandémie. Sans une industrie productive, le système sanitaire français est mis à mal. Dans ce contexte, peut-on se permettre de dépendre d’approvisionnements étrangers ?

Une crise sanitaire qui révèle la dépendance industrielle aux supply chains mondialisées

Le terme de dépendance n’est pas choisi à la légère. On l’a vu pour le matériel nécessaire dans cette crise sanitaire (masques massivement importés de Chine, quasi monopole chinois sur certains principes actifs de médicaments, etc…), mais de manière plus globale, les industries des pays occidentaux sont dépendantes de supply chains mondialisées. Un produit manufacturé “fabriqué en France” peut être composés de matières premières de multiples origines. Or, dans le cas de la pandémie de SARS-CoV-2, les approvisionnements sont mis à mal. Usines de matières premières à l’étranger à l’arrêt, frontières parfois fermées, difficultés d’acheminement…

Si l’on s’arrête plus précisément sur le cas de la Chine, où la pandémie a débuté et qui a été très fortement impactée, les répercussions sur l’industrie mondiale sont dramatiques. Le pays détient par exemple le monopole de 80% de la production mondiale de circuits imprimés, nécessaires à la fabrication de tout produit électronique ! Des usines chinoises à l’arrêt mettraient à mal de nombreux industriels. Or, comme Emmanuel Monleau, consultant formateur en achats, l’explique : « Depuis fin février les usines tournent au ralenti, incapables de satisfaire la demande et de livrer les clients. » Avec un délai d’acheminement de 6 semaines en moyennes, on peut envisager des difficultés d’approvisionnement dès à présent.

Cependant, les mesures de confinement mises en places vont nécessairement réduire d’une part la consommation des français et d’autre part l’activité de certaines entreprises. On peut alors penser que les difficultés d’approvisionnement seraient résolues. Mais si cette crise perdure, certains secteurs industriels feront fatalement face à des difficultés financières, voire des faillites.

Repenser notre industrie sur un modèle Made In France

Heureusement, des solutions existent pour affranchir notre industrie des supply chains très longues et mondiales.

Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’École nationale des ponts Paris Tech’, donne des pistes pour sortir de la crise actuelle. Il met en avant le rôle de l’industrie française. Il propose notamment de reconvertir certaines entreprises pour une production massive et rapide de respirateurs. Il met également l’accent sur la production française de masques, indispensable à son sens. Enfin, pour lui, l’Etat doit reprendre son rôle en main pour sauver “l’outil productif” français.

Le gouvernement justement semble s’engager en ce sens. Les propos du 31 mars du Président de la République le confirme. “Il nous faut, avant toutes choses, produire davantage en France, sur notre sol. Produire car cette crise nous enseigne que sur certains biens, certains produits,  l’action stratégique impose d’avoir une souveraineté nationale et européenne”, déclarait alors Emmanuel Macron.

Au delà de l’épidémie en cours, c’est l’opportunité de mettre en place de nouveaux modes de production : relocalisation, approvisionnement local, design to cost, etc… Une analyse de Décision-Achats.fr propose :

  • de trouver une alternative européenne à toutes source d’approvisionnement asiatique ;
  • d’intégrer le prix de la tonne de carbone dans une production, pour inciter la production locale, à proximité de son bassin de distribution;
  • de relocaliser et de créer des usines multi-clients ;
  • de faire évoluer la réglementation dans ce sens.

Des pistes d’amélioration à creuser. L’épidémie de COVID-19 met en lumière l’urgence de favoriser un retour au Made In France de l’industrie française, indispensable à notre système sanitaire.

Pour aller plus loin : l’impact énergétique

Une crise sanitaire qui impacte l’industrie et donc toute notre économie. De nombreuses analyses alertent sur un éventuel pic pétrolier accéléré par l’épidémie. Des baisses d’approvisionnement sont évidemment à redouter en matière d’énergie. Or, on sait que “environ 70% de l’énergie consommée par le secteur industriel est d’origine fossile”, comme le rappelle Julien Chevalier, consultant associé chez Ōedo. Dans un contexte de guerre des métaux rares (voir notre dossier à ce sujet), les futures crises économiques ne pourront être évitées qu’au prix d’une réduction de notre dépendance aux énergies fossiles…

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La pandémie à laquelle nous faisons face nous demande donc une nécessaire remise en question de nos pratiques industrielles, pour préserver notre économie et notre système de santé. Des solutions sont à portée de mains, accessibles et facilement réalisables. Le Made In France est accessible si sa mise en place est réfléchie. Perspectives Industrie peut vous apporter son expertise en ce sens, contactez-nous pour en savoir plus.

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Sources et approfondissements :
Informations Coronavirus – Gouvernement Français
Masques, respirateurs, tests de diagnostic Covid-19… Comment éviter la pénurie ? – L’Usine Nouvelle
Coronavirus : la France a commandé un milliard de masques à la Chine – France Bleu
«Testez les gens !» : l’OMS appelle à un dépistage massif du coronavirus – Le Parisien
Coronavirus : «On a tellement de cas suspects qu’on ne peut plus dépister tout le monde» – Le Parisien
Coronavirus: les tests massifs en France sont pour quand? – France Soir
Coronavirus : un révélateur de la fragilité du système logistique mondial – The Conversation
Michelin, PSA, Valeo, Faurecia… Ces industriels qui répondent à l’appel d’Emmanuel Macron de « produire davantage sur le sol national » – L’Usine Nouvelle
Coronavirus : Lagos, plus grande ville d’Afrique, entre peur et colère avant le confinement – Le Monde
Covid-19 : Faut-il craindre le risque de pénurie ? – Décision-Achats.fr
Coronavirus : l’impact de la pandémie sur la chaine d’approvisionnement en France – Cadre Dirigeant Magazine
Dépister et fabriquer des masques, sinon le confinement n’aura servi à rien – Reporterre
Le (re)Design to Cost, en bref – Katalize
Pic pétrolier probable d’ici 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie – Le Monde
Le monde d’après pour… les industriels néo-aquitains – Placéco Confiné